Il existe de nombreuses théories concernant l’apparition et le développement de la laque d’Urushi à Wajima bien qu’aucune n’ait pu être validée jusqu’à présent. Des objets datés du Moyen Âge, contenant une poudre locale mélangée à de l’enduit d’Urushi, ont été découverts dans plusieurs chantiers de fouilles de la région. De toute évidence, d’après certains écrits qui nous ont été transmis à travers les siècles, la laque d’Urushi était déjà produite à Wajima durant la période Muromachi (1333-1573)
L’abondance locale de matériaux près à l’utilisation comme l’a-té (cyprès de Noto), le Keyaki (zelkova), l’Urushi et la poudre de Wajima-Jinoko, ainsi que des conditions climatiques favorables, constituent un facteur important de développement de la production de la laque d’Urushi à Wajima. La ville fut par ailleurs historiquement un des ports d’escale d’une route maritime de première importance, ce qui a sans doute contribué au transport des biens et matériaux dans des conditions optimales, et favorisé encore le développement de cette industrie. Néanmoins, le fait que les artisans impliqués dans toutes les étapes de production et de distribution d’articles en laque de Wajima aient conçu une grande fierté pour leur travail, et que les procédés techniques qui caractérisent les différentes étapes de la production aient pu continuer de se perfectionner continuellement, explique grandement la capacité qu’a eue cette tradition à se transmettre avec succès jusqu’à notre époque.
Le processus de fabrication d’objets en laque de Wajima-Nuri
Une division du travail systématique caractérise le processus de fabrication d’articles en laque de Wajima-Nuri. Celui-ci comporte trois grandes étapes : la confection du substrat, l’enduction (laquage) et le travail décoratif. Ces trois stades regroupent un nombre bien plus élevé de tâches d’une haute technicité comme le travail du substrat ou Wan-Kiji (le tournage sur bois produisant des objets composés de cercles concentriques), le Magemono-Kiji (la flexion de bois trempé servant à la confection de certains substrats), le Sashimono-Kiji (l’assemblage de bois et de planches pour composer boites et étagères), le Hoo-Kiji (spécialisé dans la taille de formes plus complexes), les techniques de laquage telles que le Shitaji (l’enduction), l’Uwa-nuri (le laquage des couches supérieures), le Ro-iro (le polissage), le Maki-e (la technique consistant à saupoudrer d’or ou d’argent des figures et motifs peints à même l’objet) ou le Chinkin (l’autre technique décorative consistant à saupoudrer d’or ou d’argent les rainures de motifs gravés sur la surface de l’objet).
Au cours de sa confection, pouvant s’échelonner sur une durée comprise entre six mois et plusieurs années, une pièce traversera ainsi plus d’une centaine d’étapes jusqu’à sa finition. Chaque domaine entrant en compte dans la chaîne de production a au cours des siècles fait évoluer ses propres techniques traditionnelles, les portant à un très haut degré de sophistication et de maîtrise. Cet héritage d’excellence est soigneusement transmis entre générations d’artisans et demeure aujourd’hui l’objet d’une très grande estime.
Chaque artisan travaille avec confiance et dévouement pour s’intégrer dans le processus. Le Nushiya, le maître artisan, s’applique à conduire et superviser toute la chaine de production. Depuis l’instant où intervient une commande à l’atelier jusqu’à la livraison du produit finalisé, il veille avec la plus grande rigueur à ce que soient maintenus les hauts standards de qualité caractérisant chaque étape de la fabrication.
Les substrats en bois
La forme du substrat diffère en fonction de son objet. L’industrie en est donc répartie par branches, au sein desquelles travaillent les artisans ayant acquis les techniques nécessaires à chaque spécialité. Certaines variétés de bois sont plus adaptées à certaines formes et le choix adapté du matériau constitue une étape déterminante au sein de la chaîne de production.
Le Wan-Kiji
Le Wan-Kiji, également connu sous le nom de Hikimono-Kiji, est une technique de tournage et de fraisage du bois sur un tour avec une gouge. Elle est utilisée pour confectionner des objets concentriques tels que les bols, assiettes, plats et pots. Les bois les plus couramment utilisés sont le zelkova, le cerisier et le marronnier.
Le Magemono-Kiji
Cette méthode consiste à tremper de fines planchettes de bois de fil vertical afin de le rendre flexible. Elles sont ensuites courbées en des formes rondes qui caractérisent les plateaux circulaires et les boites repas. Cette technique nécessite un bois de grande qualité comme le cyprès de Noto ou le cyprès du Japon.
Le Sashimono-Kiji
Le Sashimono ou Kakumono-Kiji est la technique d’assemblage des planches de bois. L’assemblage de planches intervient dans la confection des ensembles de boîtes empilées Ju-bako, des boites à encrier, des tables basses ozen et des plateaux carrés. Les bois les plus couramment utilisés pour cette technique sont le cyprès de Noto, le cyprès du Japon, le paulownia et le gingko biloba.
Le Hoo-Kiji
Le Hoo-Kiji, aussi appelé Kurimono-Kiji, est une technique rentrant dans le domaine du Sashimono. Cette spécialité s’attache à la confection d’objets aux courbes multiples et requérant des formes complexes comme les Zataku (les tables basses pour salles de Tatami), les tablettes pour Bonsaï, les becs de carafes à Saké ou les cuillères. Les bois les plus utilisés ici sont le magnolia, le Katsura (l’arbre caramel) et le cyprès de Noto.
Le Kyûshitsu (laquage)
Les objets en laque de Wajima-Nuri sont caractérisés par une méthode de laquage très particulière. Elle est connue sous le nom de Hon-kataji, une technique d’enduction issue d’une longue traduction. Wajima a maintenu vivant ce procédé avec tenacité, parvenant au moyen de recherches continues à lui faire atteindre les plus haut degrés de qualité possible dans le travail de la laque d’Urushi. Elle est aujourd’hui encore le procédé d’enduction standard pour les objets en laque de Wajima.
Le Kyûshitsu
Les parties du substrat les plus fragiles sont renforcées avec du tissu, appliqué sur le bois avec de la laque d’Urushi ; c’est le Nuno-kise. Les couches ultérieures sont mélangées avec de la poudre de Wajima-Jinoko, terme qui signifie littéralement « poudre de terre ».
Le Kyûshitsu
Le Jinoko est de la terre de diatomée cuite de très gande qualité. Cette terre provient d’une roche sédimentaire siliceuse et remplie de fossiles d’algues, ce qui lui donne ses vertus absorbantes. Le Jinoko est très résistant à la chaleur et, losqu’il est mélangé à l’Urushi, sèche pour constituer un enduit solide et durable. Le Jinoko de Wajima est classé en fonction de la taille de ses particules et est appliqué sur le substrat mélangé à de l’Urushi. La première couche, l’Ippenji est la plus rugueuse, les couches ultérieures évoluant vers une moindre granulosité. A chaque étape, la surface séchée est poncée juqu’à donner à chaque couche une finition pure et lisse.
Le Kyûshitsu
Ce procédé d’enductions répétées, aussi appelé Jitsuke, n’a pas pour seule finalité que de rendre l’objet plus résistant. Par la double attention apportée à l’épaisseur des couches et à la ponce de la surface entre chaque enduction, l’artisan détermine le caractère et la forme définitive de l’objet. C’est une étape particulièrement délicate et très importante dans la chaîne de production car elle ne permet pas l’erreur. Toute négligence serait en effet immédiatement visible sur le produit fini. Afin de réaliser des oeuvres de la plus haute qualité, une maîtrise technique considérable est donc requise des artisans.
Le Uwa-nuri
L’Uwa-nuri désigne l’application au pinceau d’une laque d’Urushi extrèmement raffinée pour les couches supérieures. La poussière est l’ennemi majeur de l’artisan à ce stade qui requiert de grandes capacités d’attention et de concentration. Il existe plusieurs variétés d’Urushi utilisées en fonction de leurs diverses propriétés. Les climats et saisons influent grandement sur la qualité de l’Urushi lors de son utilisation et, pour cette raison, elle doit être préparée avec le plus grand soin. L’expérience et le savoir-faire de l’artisan d’Uwa-nuri lui confère la capacité de mélanger et d’ajuster sa préparation pour qu’à chaque utilisation, il puisse obtenir un enduit d’une qualité optimale.
Les techniques décoratives
Les techniques décoratives Maki-e et Chinkin contribuent grandement à donner aux objets en laque de Wajima-Nuri, leurs qualités de durabilité et de raffinement. Avec leurs palettes de couleurs restreintes mais harmonieuses, elles ajoutent une dimension supplémentaire d’esthétisme à la laque d’Urushi.
Le Ro-iro
Pour les objets en laque d’Urushi, il existe principalement deux méthodes de finition appelées Nuri-tate et Ro-iro. Une finition en Nuri-tate consiste à appliquer une ultime couche d’Uwa-nuri sans travail supplémentaire après le séchage. L’artiste y met en relief de manière personnelle la beauté de la laque pour elle-même. Une finition en Ro-iro désigne un frottement répété de la dernière couche de laque afin de la polir avec un morceau de charbon à poncer, jusqu’à ce que les plus petites poussières soient enlevées. Puis on applique de la laque à la main. Il en résulte une surface lisse avec une teinte douce et réflechissante qui servira de support aux motifs décoratifs d’or et d’argent.
Le Maki-e
Cette technique décorative, dont l’histoire remonte sans doute à plusieurs milliers d’années, consiste à dessiner motifs à la laque sur une surface polissée et à la parsemer de poudre d’or ou d’argent. Le terme générique de Maki-e regroupe un nombre conséquent de techniques hautement spécialisées comme le Hira-Maki-e (motifs en reliefs puis applanis par l’application d’une ultime couche de laque transparente), le Togidashi-Maki-e (motifs enduits sous une ultime couche de laque mais réapparaissant après frottement au carbone) et le Taka-Maki-e (motifs en relief). L’artisan de Maki-e, le Maki-eshi, peut aussi adapter ces méthodes et matériaux de différentes manières en vue d’obtenir des finitions variées comme le Raden (utilisation de nacre), le Hyômon (utilisation de métaux) ou le Rankaku (incrustation de coquille d’oeuf).
Le Chinkin
Le Chinkin est une autre technique décorative qui consiste à graver des motifs sur la surface laquée polie et à en remplir les rainures avec de la poudre ou de la feuille d’or. Un burin à extrémité arrondie est l’outil standard pour effectuer des rainures mais d’autres accessoires sont également utilisés pour d’autres tâches, comme effectuer des entailles ou motifs plus ou moins larges et profonds sur la surface.